Etre pleinement dans le présent, se projeter dans l’avenir… Pour certains, c’est compliqué tant ils peinent à ne plus penser au passé, que ce soit pour se souvenir de moments heureux ou pour ressasser des épisodes douloureux, des blessures non cicatrisées. Le problème ? Cette incapacité à vivre aujourd’hui, libérés du passé, les empêche de développer leur potentiel et d’avancer dans la vie. Analyse.
Pourquoi cette tendance à vivre dans le passé ?
Feuilleter les albums photo de son enfance, évoquer ses souvenirs de lycée entre anciens élèves, se rappeler ses amours passées, autant de façons de « prendre conscience de ce que l’on a été et de ce que l’on est devenu, explique la psychothérapeute Catherine Aimelet-Périssol (auteure de Comment apprivoiser son crocodile, Robert Laffont). Se référer au passé permet de se repositionner dans le présent et d’anticiper le futur. »
Quel qu’il soit, heureux ou malheureux, le passé est toujours un espace dans lequel on se reconnaît, une bulle rassurante. Le risque ? Ne plus pouvoir s’en détacher. Dès lors, on ampute une part de sa personnalité en restant sur ses acquis et en ne développant pas son potentiel.
Refuser ses émotions
Renoncer au passé, c’est en faire le deuil, un processus émotionnel qui se décline en plusieurs phases. D’abord le déni : refuser de croire que ce qui a été ne sera plus. Puis la colère : en « vouloir » au temps qui passe. Ensuite la peur : « Que va-t-il se passer maintenant ? » Enfin l’acceptation, qui aboutit… au renoncement. « Les personnes qui vivent accrochées au passé n’arrivent pas à suivre ce processus, parce qu’elles refusent leurs émotions », explique le psychothérapeute Olivier Nunge. Selon lui, cette attitude tient souvent à l’éducation que l’on a reçue enfant : c’est la petite fille à qui l’on a interdit de se mettre en colère ou le petit garçon à qui l’on a répété qu’« un homme ne doit pas avoir peur ».
« Tout le monde n’a pas eu la possibilité de faire un juste apprentissage de ses émotions, c’est-à-dire de les recevoir et de les exprimer quand elles se présentent à lui. » Résultat : des individus « coincés » dans une émotion – colère, ressentiment… – et incapables de la dépasser.
Refuser d’oublier
Bien souvent, rester prisonnier de son passé est la preuve que certaines choses n’ont pas été réglées, qu’un fort traumatisme n’a pas été « digéré » à temps. Il nous tire vers l’arrière et nous empêche d’avancer. Si le travail de deuil est toujours difficile à faire, c’est aussi parce qu’il renvoie à la notion de « finitude », de révolu et, par extension, à l’idée de notre propre mort. Mais aussi parce que, dans le cas de la disparition d’un proche, par exemple, on pense que « faire le deuil » reviendrait à « oublier », ce que l’on se refuse à faire. Inconsciemment, on s’efforce donc de faire survivre cet autre en restant tourné vers lui, dans le passé.
Refuser la séparation
Derrière l’incapacité à tourner la page se cache une difficulté à « rompre », à « partir ». Les psychanalystes l’apparentent à l’angoisse infantile de la rupture avec la mère, premier deuil auquel l’enfant est confronté. Quand ce deuil n’a pas été correctement assimilé, on cherchera, à travers la régression, à se replonger dans cette relation fusionnelle, soit parce que l’on a le sentiment d’en avoir été privé, soit parce que, au contraire, on n’en est jamais sorti. L’absence, réelle ou symbolique, du père en est souvent la cause.
En effet, c’est lui qui, en s’interposant dans la relation mère-enfant, incite ce dernier à sortir de cette fusion pour se tourner vers le reste du monde. Et c’est donc lui qui, indirectement, l’aide à s’inscrire dans le présent et à se projeter vers l’avenir. Qu’il vienne à manquer, et l’enfant restera « collé » symboliquement à sa mère. Adulte, il vivra avec l’idée qu’« avant, c’était toujours mieux ».
4 conseils pour ne plus vivre dans le passé
Vivre corporellement dans le présent
Le carpe diem n’est pas une pensée, mais une pratique : vivre l’instant présent, c’est s’y sentir physiquement inscrit. La pratique du sport, la marche, les exercices de relaxation, la maîtrise de sa respiration, l’éveil des sens… Toutes ces activités permettent de se réapproprier son corps et de prendre pleinement conscience de son existence dans l’ici et maintenant.
Créer
La création artistique permet de s’inscrire dans le temps. L’objet que l’on peint ou sculpte porte la marque d’un progrès auquel on peut se référer pour prendre conscience de sa propre évolution. La création est également un moyen efficace de reprendre confiance en soi : elle nous fait découvrir que l’on peut produire de la nouveauté.
Lister ses peurs
Il est impossible de prévoir et de se prémunir contre tous les risques que l’on encourt lorsque l’on fait des projets. Mais lister ses peurs, même les plus futiles, permet d’avoir une vision plus claire et moins angoissante de l’avenir. On ne l’envisage plus alors sous le coup de l’émotion mais de la raison.
Se libérer du passé
La nostalgie dépend d’une tendance naturelle à idéaliser le passé. L’endroit, l’ambiance, les sensations associées au souvenir sont magnifiés. Revisiter les lieux qui nous hantent peut nous libérer de l’image idyllique que l’on en a gardé. Dans certains cas, ce sera aussi l’occasion de régler ses comptes avec d’autres éléments de ce passé et de repartir sur des bases saines.